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la tanière du hérisson
23 juin 2011

or rèche 002

Il a encore plu cette nuit. Des foutues charettées de flotte, sans discontinuer, et tout la nuit ruisselait et bruissait de fraicheur crépitante. Toi, tu étais sous l'auvent à fumer ta clope, évidemment. Aux premières loges. Au loin, tu entendais la mer qui se bousculait contre la côte, et ça n'avait pas l'air d'être commode, par là-bas. Le vent n'était pas très vif, juste froid et intempestif. Tu buvais une bière, tu fumais une clope, tu lisais "le dernier baiser" de Crumley, encore. Tu te demandais comment tout ça allait finir. Si le type était encore en vie et s'il savait. S'il avait eu le temps de te voir. Tu te demandais si tu devais t'en vouloir, un jour, pour ça. Pas maintenant, mais plus tard, s'il y avait lieu et moment pour ça ; si ça en valait la peine, ou pas. La bière était fraiche, et pas un chat dehors, tu penses, même si des tarés dans ton genre ont toujours un moment d'oscillation intérieure face à une pluie nocturne comme celle-là, la pulsion d'aller se promener dessous étant aux bords des lèvres, tout de suite. Mais là, c'était bien comme ça. Le ciel craquait, il perçait sa membrane de lourdeur et de gène pour déverser, balancer, laver, lessiver.

La voiture était vide, quand tu étais allé la voir. Tu n'avais pas résisté longtemps, traversant la route défoncée et mangée d'herbes folles, approchant nonchalamment et examinant les abords du véhicule planté dans les environs comme un noyau dans une corbeille à pain. Toutes les portières étaient fermées à clé, et ce que tu apercevais à l'intérieur ne laissait rien envisager d'intrigant : des mouchoirs en papier, un atlas routier, des canettes de bière vides sous les sièges avant, un formulaire de constat à l'amiable sur lequel avait été griffoné un numéro de téléphone que tu n'avais pas réussi à déchiffrer, et un boitier de cd vide. Rien, en somme. Tu étais revenu, sans en penser vraiment quoi que ce soit, ce qui n'apaisait rien. Et aujourd'hui, la bagnole était toujours là. Mais tu t'en foutais un peu. Tu attendais un coup de fil qui tardait à survenir, tu guettais le téléphone portable posé sur le fauteuil éventré de la véranda, à côté de l'assiette de pates froides qui y avait été laissée le midi même. Et tu te disais bordel, quand même, il abuse ; c'est quand même pas compliqué d'être ponctuel. Sauf quand on a un pépin, et Maël était très fort pour dénicher le pépin en latence, il n'y avait pas à dire. N'empêche, il n'y avait aucune raison pour que quelque chose ait merdé. D'ailleurs, tiens, le téléphone sonnait. Tu as écrasé ta clope sur le sol en terre battue, tu as quitté l'auvent pour rejoindre la véranda et tu as décroché.

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