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la tanière du hérisson
13 août 2006

la vie m'a mangé, mais j'ai croqué dedans un peu, aussi (3)

La première décision qu'Antoine sut prendre, en bon père de famille responsable, fut d'isoler le problème afin de préserver son entourage. A partir de pas plus tard que maintenant, le cas Nilia serait de son ressort exclusif. La petite fut avertie qu'en toute choses il serait ici son interlocuteur unique et que toute initiative devrait recevoir son aval, faute de quoi sa vie dans cette maison allait devenir sérieusement compliquée, ou affreusement simple, ce qui, dans tous les cas, n'était absolument pas une perspective agréable. Elle montra qu'elle avait compris ce qu'on attendait d'elle en ne mouftant pas, ne manifestant aucunement sa présence et en ne sortant que fort rarement de la "chambre" où on avait eu la bonté de l'installer. elle avait au coin des lèvres, avec la discrétion qui va si bien aux gens qui ne veulent pas se faire punir, le même sourire qu'on lui voyait sur la fameuse photo. Il était là pour le principe, parce que Nilia était par nature une enfant souriante, mais elle s'efforçait de ne pas en faire de trop. Après tout, les circonstances qui l'avaient amenée là laissaient présager bien pire comme devenir qu'une famille médiocre, confinée, étroite d'esprit et serrée aux entournures d'esprit.

Elle passait ses journées à jouer avec les nuages qui passaient devant sa fenêtre. Ils défilaient rien que pour elle, pensait-elle, ils s'avançaient les uns derrière les autres, à un tranquille train de sénateur , lui laissant amplement le temps de jouer avec leurs formes. Elle énonçait du bout des lèvres, sans parler, à quoi tout cela pouvait bien faire penser. Un arbre tordu. Un loup endormi. Une voiture de pompiers qui brûle. Une carotte pas mangeable. Un nuage. Un autre nuage, plus gros. Parfois, d'autres choses passaient devant sa fenêtre. Des feuilles. Des oiseaux, dans le ciel. Des avions, dans le ciel. Des gens, dans la rue. Des voitures, sur la route. Un chat, sur le rebord de la fenêtre. Tout cela lui suffisait, ça lui défilait devant les yeux. Elle restait assise sur le lit, à regarder ce qui passait par la fenêtre. Quand on lui proposait de sortir, elle sortait. Elle était sereine. Bien sûr, à force de ne rien faire d'autre, ses ailes commencèrent à s'atrophier. Au bout de quelques mois, elles étaient sèches et rabougries. Cassantes. Antoine et sa femme balançaient entre soulagement et gène, mais jamais l'inquiétude ne les convainquit vraiment d'aller chercher un médecin. Quelques jours plus tard, Nilia perdit sa première aile. Le lendemain, quelqu'un frappa à la porte d'entrée. Antoine alla ouvrir. Il en fut pour ses frais.

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