Gilles de Robien et la méthode globale de démagogie politique
Voila, notre cher
ministre de L'Education Nationale vient de me donner enfin une vraie
bonne raison de montrer que oui, je suis un enseignant râleur. Bravo,
Monsieur De. Pari gagné, ça va conforter l'image que les gens se font
déjà de l'immobilisme corporatiste de ces abrutis de profs.
Il m'avait déjà hérissé
le poil (bon, pour un hérisson, vous me direz... n'empêche !) avec son
histoire d'égalité à rétablir entre public et privé. Ce qui fait bien
rire (jaune) quand on connait la réalité de cette égalité. Bon, ça
n'était qu'une petite pique très significative à l'intention d'un
public ciblé. Mais notre ministre a décidément décidé de draguer une certaine frange de l'électorat, celle qui a des a priori négatifs sur la façon dont l'école tourne. Ce qui fait toujours plaisir, venant de son ministre de tutelle, censé nous soutenir et nous représenter.
Là, le coup de la méthode globale, ça ne passe pas. Le grand pourdendeur qu'est
Monsieur De s'en prend fort légitimement à cette errance pédagogique
qu'est l'apprentissage de la lecture par la méthode globale. Qui
consiste, contrairement à la méthode dite syllabique (le B-A BA), à
envisager les mots dans leur globalité et à les déchiffrer en fonction
de leur environnement autant que par leur composition. Bien vu... sauf
que la méthode globale, plus personne ne l'enseigne plus depuis longtemps !
C'est un fait reconnu depuis belle lurette... dans le milieu
enseignant (et c'est là que c'est bien joué de la part du trublion
ministre). Les méthodes de lecture utilisées le plus souvent,
préconisées dans les IUFM, sont celles qui utilisent à la fois
l'approche globale globale et l'approche syllabique en tirant le meilleur parti des deux. Parce que, contrairement à ce que pensent en toute bonne foi les parents partisans du retour à l'école vieille France qui a fait ses preuves, la méthode syllabique fabriquait aussi de l'échec scolaire,
à une époque où celui ci n'était pas aussi désastreux que maintenant,
il est vrai. C'était une école sélective, élitiste. Dorénavant, on
cherche à offrir aux enfants le plus de pistes possibles pour entrer
dans la lecture et comprendre de quoi il s'agit. Leur donner envie et
leur donner surtout une panoplie d'outils dans laquelle ils prendront ce qui leur correspond à eux.
Là où on tombe vraiment dans une démarche putassière, c'est que De Robien sait parfaitement qu'il s'en prend à une méthode qui n'existe plus.
Il a signé la préface des programmes élaborés sous le gouvernement
Jospin, mis en place à partir de 2002, qui consacrent la méthode
syllabique comme pilier de l'apprentissage. Il sait aussi, le bougre,
que tout le monde pense encore que la méthode globale, qui n'a jamais
touché beaucop d'élèves, contribue aux difficultés de lecture de nos
chers gamins. Comment ne pas tomber d'accord avec lui, quand on ne sait
rien de l'imposture qu'il y a derrière ses propos?
Sauf que moi, je suis maître d'une classe de CP-CE1 et que ses conneries, je vais en faire les frais. Sauf que je n'ai pas du tout envie que ma pratique pédagogique soit entravée par
les dommages collatéraux de ses décalrations mensongères. Et je vais
placarder sur le panneau d'affichage de mon école un court texte
remettant les choses à leur place. Remettre à sa place son propre
ministre, ça ne se fait pas. Mais encourager les parents d'élèves à se leurrer en tout bonne foi sur la façon dont on enseigne à leurs enfants, c'est scandaleux.