100 000 adieux de mue
Celui qui de l'ombre veille, c'est moi perdu, ce sont les peaux
mortes chaque jour disséminées et rendues au monde, c'est
l'ombre en berne d'idées abandonnées, ce sont des sauvetages avortés et
oubliés, c'est l'audace enterrée dont il faut s'inspirer.
Celui que je tutoie sans respect, qui tourne comme une abeille
autour du miel, c'est moi révolu, qui m'a conçu et nourri, c'est
l'inaccessible moment où je n'étais ni si mur ni si déçu, et j'aime à
ne le voir que comme un jeu, un aveu sans enjeu, un bleu, un hématome
qui ne fait que donner de la couleur à un corps qui a une histoire.
Celui qui parle, celui qui voit, il prend trop de place. Il
occulte, il est opaque, mais on voit à travers lui le mort en sommeil,
la cocon de sel, l'ami pas fini que je fus, le meilleur et l'inassouvi.