L'animal vaudra bientôt plus qu'un meuble
La France tournerait-elle enfin le dos au spécisme? Il semblerait
qu'un pas décisif va être franchi dans le domaine législatif pour
sortir la condition animale de sa non-existence profonde. Je m'explique.
Il faut savoir que pour le moment, l'animal est tout au plus un bien
matériel, sur le plan juridique. Dans le code civil de 1804, toujours
en application aujourd'hui, les animaux appartenant aux hommes sont
classés dans la catégorie des "biens meubles", au même titre que les
chaises ou les voitures. Quand aux animaux sauvages, ils sont régis par
le code de l'environnement. Rien d'étonnant à ce qu'on cantonne les
êtres vivants non-humains à des choses. C'est même, dans une société
façonnée par les religions monothéistes qui organisent la Création comme
subordonnée à l'Homme, un fait tout ce qu'il y a de plus naturel. Et ça
a même un nom (inventé bien sûr par ses détracteurs) : le spécisme.
Le spécisme est tellement quotidiennement ancré dans
notre regard sur le monde qu'il en devient transparent. C'est, comme le
racisme qui place une hiérarchie entre les races, le
mode de pensée qui consiste à placer l'espèce humaine au-dessus de
toutes les autres espèces animales, dont on peut dès lors faire ce
qu'on veut. Mais, à la différence du racisme, en France, le spécisme
est jusqu'à présent inscrit dans les tables de la loi.
Et ça va changer. En tout cas, il se peut que ça change. Bientôt.
Un texte de loi va en effet probablement inventer une nouvelle catégorie juridique, le "bien sensible",
immédiatement placé sous la "zone humaine". On n'est pas vraiment dans
la reconnaissance de droits identiques à ceux des humains, mais on n'en
serait plus au simple domaine de la chose. Une chose, quand elle est
casée, on la change, on la rembourse, on ne la pleure pas (ceci dit, à la réflexion, certains maîtres battent leurs chiens mais pleurent quand on érafle leur bagnole).
Le garde des sceaux, D. Perben, qui a mandé une mission en ce sens en
juin 2004, ne cache pas qu'il est favorable à cette évolution de "la conception même de l'animal en droit civil".
Je ne suis pas
un défenseur des toutous à sa mémère, ni des attitudes tendant à
prendre les animaux pour ce qu'ils ne sont pas, à savoir des humains
infantilisés, des êtres sur lesquels on transfère des comportements de
l'homme. Moi, ce qui m'intéresse là dedans, c'est que cela s'appliquera
aussi aux autres animaux "appartenant à l'homme", à savoir le bétail,
par exemple. Reste à savoir si cette évolution est le fruit d'une
influence européenne ou si elle devra plier dans la pratique face à la
pression des groupes transnationaux d'élevage industriel.