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la tanière du hérisson
26 mai 2005

le mensonge est un vilain défaut

 

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    Aujourd'hui, une fois n'est pas coutume, j'ai menti à mes élèves. J'ai inventé un personnage (un auteur, en l'occurence) en le leur présentant comme parfaitement réel. Ils vont apprendre une poésie de quelqu'un qui n'existe pas. Et il y a de grandes chances qu'ils ne le sachent jamais.
    L'imposture n'est pas ma spécialité, la mythomanie non plus. Pour autant, sans être un partisan des pieux mensonges, je n'ai aucun tabou vis à vis de ça quand ça s'exerce dans un cadre bénéfique. En fait, je m'en fous, je ne mens pas au quotidien, j'ai même comme tout un chacun foi en la nécessité de faire confiance aux gens mais dans certains cas, l'affabulation ne mange pas de pain. Je m'explique, sinon ça va déraper.
    Tout comme le rapport au réel, à l'authentique, dans la littérature ou les oeuvres artistiques, peut être fascinant (je ne parle pas de l'auto-fiction), il me paraît assez peu dit qu'il n'y a, aujourd'hui plus que jamais, aucun devoir de véracité dans la parole. C'est malheureux, mais c'est comme ça.
    En tant qu'historien de formation, l'incapacité à atteindre une vérité objective est un véritable déchirement. Un truc qu'il est nécessaire d'admettre, c'est qu'on peut essayer de comprendre le passé, mais l'interprétation qu'on en a n'est pas une vérité absolue. Pourtant, tout le monde prend le contenu des livres d'Histoire pour argent comptant (et, quelque part, heureusement). J'ai l'air de m'égarer, mais vous allez voir, je vais retomber sur mes pattes.
    Un des aspects qui m'a le plus fasciné dans le roman "l'épopée du buveur d'eau" de John Irving, c'est la façon dont son personnage a truqué le jeu de la vérité historique. Seul spécialiste d'une langue nordique à présent disparue, il en arrive à en inventer une autre de toute pièces, par impasse dans les recherches pour sa thèse et, aussi, parce que cette imposture est probablement excitante. Il crée une langue de A à Z, et fait oeuvre littéraire pour continuer à bénéficier de ses crédits de thèse. Et ça marche très bien. A mon avis, ce genre de choses n'est pas arrivé que dans un roman.
    Quand on est le seul spécialiste dans un domaine, on en devient un expert que personne ne peut disqualifier, du moins pas facilement. S'établit alors un rapport de confiance, on s'en remet au spécialiste pour nous délivrer la vérité. Et s'il nous raconte des bobards, il y a peu de chance qu'on s'en aperçoive. En menant mes propres recherches de maîtrise et de DEA en histoire médiévale, j'ai à un moment senti le vertige de cette possibilité d'abuser tout le monde, ce pouvoir de l'imposture que personne n'irait vérifier dans les archives, à condition de rester crédible. Je n'y ai pas succombé. Vous pouvez me faire confiance. Si, si. N'empêche.
    De même que "drôle d'endroit pour une mauvaise rencontre" exploite les possibilités du blog en tant que principe littéraire et cadre narratif, sans en garder le caractère autobiographique, créant une vie de toutes pièces, inventer des choses pour le plaisir d'enjoliver des petits moments de vie n'est pas plus méchant que d'évoquer un conte.
    Quand je raconte une histoire à mes élèves, conte ou pas, ils me demandent souvent : "Mais c'est une histoire vraie? Dis, ça a existé ou c'est pour de faux?" et j'essaie de leur faire comprendre que l'important n'est pas là, l'intérêt est ailleurs. C'est l'histoire, le voyage, qui importe (bien sûr, je n'ai pas du tout le même avis sur un journal télévisé ou une étude sociologique). Et quand j'invente une histoire pour eux, je place quelques éléments réels comme des noms de lieux, des références qui leur parlent concrètement. L'ambiguïté n'en est que plus troublante. Et, enfants comme adultes, nous avons tous besoin d'être troublés.

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Commentaires
C
Hello Mister Hérisson...<br /> Alors comme ça on emmène les petits élèves au-delà des rêves peut-être et dans un imaginaire scolaire en brandissant haut et fier une oeuvre... inventée de toutes pièces ?... Chapeau bas, respect... S'ils ont malgré cela appris et retenu tout ce que tu avais à leur enseigner ce jour-là, c'est qu'ils étaient dedans, intéressés voire captivés non ? Bon.. captiver des élèves de nos jours devient une gageure bien rude, un pari quasi perdu d'avance. Les intéresser oui, je pense que cela doit pouvoir se faire encore. Mais tu travailles avec des petits d'après ce que je vois ? Des grands auraient peut-être été moins "dupes" ? Va savoir...<br /> Chapeau en tout cas de leur avoir appris que la réalité n'est pas toujours là et que l'utopique existe... Du moins c'est ainsi que je le ressens.<br /> Bises sympathiques. Caresses76.<br /> ps : euh si tu veux des poésies d'auteurs non connus fais toc toc à ma porte... je n'écris pas que sur les plaisirs de la vie lol
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