la puissance justifie tout (épisode 354)

    Parfois on est las de répéter l'évidence, moins fatigué cependant que de se la voir rappeler amèrement par ce qui se passe dans le monde. Au risque assumé, donc, de se répéter, je vais émettre un avis un peu simpliste : les Américains, champions autoproclamés des libertés, du monde libre, et de tout ce qui est libre dans l'univers connu, sont les premiers à piétiner en toute impunité les principes dont ils se targuent d'être les défenseurs.
    J'ai parlé il y a peu (mais j'avais prévenu que j'allais radoter) des entraves aux libertés individuelles et droits des citoyens, toutes choses futiles sacrifiées sur l'autel de la défense des intérets supérieurs face au terrorisme et à tout ce qui est carrément très méchant et pas juste dans le monde. Dans le même registre, il ne vous aura pas échappé que le président Bush (celui là, putain, il va rester dans l'Histoire) venait d'obtenir du Sénat américain le vote d'une loi permettant l'obtention d'aveux en utilisant "certains modes de coercition" se rapprochant dangereusement de la définition basique et universelle de cette vieille et belle invention qu'est la torture. Il déclarait il y a peu : "Le Sénat vient d'adresser un signal fort aux terroristes, le signal que nous continuerons d'utiliser tous les éléments de notre puissance pour poursuivre nos ennemis et empêcher des attentats en Amérique". Tout est dit. Il est bien là question de puissance, une puissance qu'il n'est plus question d'entraver sous des prétextes aussi faiblards que les droits de l'Homme ou la convention de Genève.
    Amnesty International vient de publier un rapport terrible sur la situation en Afghanistan. Il y est dit que, parce que les Américains, par le biais de la C.I.A., offrent des primes allant jusqu'à 5000 dollars pour la capture d'un terroriste, des centaines de "suspects" sont enlevés par des mercenaires afghans ou pakistanais. Un vrai business de l'horreur, puisque la plupart de ces gens sont très vraisemblablement innocents, ou en tout cas ne méritent pas ce qui les attend ensuite. Plusieurs centaines d'entre eux auraient disparu après leur mise en détention. D'autres, dont des enfants, auraient été torturés ou bien, donc, vendus aux Américains. Ce rapport affirme en outre que 85 % des détenus des prisons de Guantanamo (Cuba) ou de Bagram (Afghanistan) seraient issus de ce marché florissant, c'est-à-dire qu'ils auraient été capturés non par les forces américaines, mais par des Pakistanais ou des Afghans, sous-traitants de la traque au supposé terroriste. Quand on sait quelle zone de non droit ces prisons restent, ça laisse affreusement songeur. Quand on sait que ces arrestations n'ont, à la base, comme motif que les allégations des ravisseurs, tout est dit. Et, amère nouvelle, l'Alliance du Nord, issue du combat d'Ahmad Shah Massoud, n'est apparemment pas la dernière à se sucrer sur ce système pervers dont la population aghane fait, une fois de plus, les frais.
    Résumons : les Américains bafouent les libertés pour les défendre (je suis simpliste, eux aussi).
    On va admettre qu'ils le font en toute bonne foi, dans une escalade des menaces et des contre-attaques débiloïdes.
    A quoi ça rime exactement, de défendre quelque chose de bon si c'est au prix du reniement de sa valeur? On a presque peur de comprendre. Les intérets qu'on défendrait ne seraient pas les idéaux de liberté et de bonheur que l'on nous dit? Il y aurait des choses moins belles et peut etre plus bassement matérielles derrière? Allons allons, ne donnons pas dans l'antiaméricanisme primaire, ce ne serait vraiment pas sympa.
    Et puis on n'insulte pas un demeuré qui a une mitrailleuse, ça ne se fait pas...