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la tanière du hérisson
9 mars 2006

Ali Farka Touré est mort

alifmariannegreber

    Une grande figure de la musique malienne s'est éteinte le 7 mars. Il avait la soixantaine (comme beaucoup d'Africains de l'Ouest de cette génération, sa date de naissance était imprécise), soit encore de beaux jours devant lui. Il demeure un point de repère incontournable, quoi qu'il en soit.
    Je ne vais pas dresser une bio, il y en a une très bonne et assez complète sur le site de RFI. J'aimais beaucoup cet artiste, en qui je reconnaissais une démarche sincère, enracinée mais aussi universelle, pour exprimer à travers sa musique une palette très simple et ouverte de sentiments poignants. Comme tous les atristes africains, ses disques étaient rangés au rayon "world" ou "musiques du monde", alors qu'Ali Farka Touré, pour moi, c'était justement de l'anti-world music. Pas de basses ronflantes et de productions très scintillantes, calibrées au millimètre, pas de "soupe" globale, au contraire l'authenticité pas négociable de quelqu'un qui puisait dans sa tradition, celle du Mali, du peuple Songhaï, des régions subsahariennes, tout en l'exprimant d'une manière très personnelle. Oui, il avait collaboré avec des artistes occidentaux, comme Ry Cooder, Clarence Gatemouth, Taj Mahal, et d'autres. Sans jamais se départir de sa personnalité, sans quitter son chemin.
    On l'avait appelé le "bluesman malien", à tort également, à mon avis. C'est vrai que sa musique fait penser au blues, celui de John Lee Hooker et Skip James, brut et rural, et que, très naturellement, les artistes américains susnommés, issus de cette démarche musicale, sont venus à lui pour jeter des ponts entre les deux continents et renouer avec les origines du blues. C'est pourtant une démarche très anthropocentrée de la part des occidentaux, de qualifier les détenteurs des sources d'une musique de "bluesmen africains". Appelle-t-on Elvis Presley le "Danny Brillant américain"? je me souviens avoir lu une entrevue avec Ali Farka Touré, où il disait le choc qu'avait été pour lui la découvert du blues américain. "Mais c'est notre musique qu'ils jouent ! D'où sortent ils ça? Ce n'est pas de la musique américaine, c'est de la musique africaine chantée en anglais!" racontait-il en substance (je ne me souviens,évidemment, pas des propos exacts).

    Ali Farka Touré jouait une musique terrienne, au chant, à la guitare, au n'goni, avec des percussions et des arrangements très ancrés dans la réalité de son Mali rural. Né dans son village de Niafunké (titre de son dernier labum, le meilleur selon moi), il en est d'ailleurs devenu maire et a arrêté la musique pour se consacrer à ces occupations, ainsi qu'à celles d'agriculteur et de patriarche de famille. Un parcours entier, donc, qui ne l'a pas empêché de rester étroitement lié à la musique. Il a participé au festival au Désert, à Essakane en 2003. Il a récemment réalisé un album avec le joueur de kora Toumani Diabate (qui avait collaboré avec Taj Mahal il y a quelques années sur un album magnifique). Il reste pour moi l'incarnation d'une musique crue, sans artifice, pleine de tripes et de coeur, un chant martelé, entêtant, qui prend racine et s'élève, d'une approche très primaire au sens le plus noble du terme. Il a déjà laissé suffisamment pour ne pas nous manquer, mais le sentiment de deuil est là.

PS: Sur RadioKipik, bien sur, quelques morceaux. Ils sont tirés de mes deux albums préférés, à savoir les enregistrements "de jeunesse" de l'album Radio Mali et le dernier, si accompli, Niafunké. Bien entendu, sa discographie déborde, en intérêt, de beaucoup ces deux seuls opus.

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