impromptu dominical à charge de revanche
On est partis à
l'arrache, comme en semaine, sauf que c'est dimanche. Sans avoir pris
de repères précis, comme toujours, parce qu'on voyait vaguement où ça
pouvait être. Sauf que, bien sûr, c'était mal indiqué, et que quand on
est à la bourre on cherche mal. Donc : on a fini par trouver, mais trop
tard, bien trop tard. Exit le concert de harpe et violon au château de
La Briantais, aux portes de Saint-Malo. Nous restait à déambuler dans
le parc attenant, comme, de ci delà, le faisaient déjà des familles
équipées en chiens et enfants à faire galoper.
L'herbe
était crassoue et légèrement gadouilleuse, le jardin était hérissé de
tignasses de végétaux sauvages, il faisait déjà un peu nuit. Peu de
bruit, hormis celui du vent et, tout près, de la mer qui s'énerve sur
elle même. Un sentier qui descend entre racines, pierres et ronces,
jusqu'à une antique grille fortifiée, un portail vers la mer. On y
descend, on frôle l'épaisse rouille des montants métalliques et la
pierre moussue et humide qui l'entoure, on descend, à deux, sur les
galets de gris et de bleu, sous un ciel vascillant. Sous un ciel dense et calme, encore diurne mais
se sachant promis à l'obscur. La violence tranquille de l'eau et les
reliefs proches et inaccessibles des ilôts de la côte, tout cela
est joli à voir, à partager, même s'il fait un peu froid et qu'on n'est
pas tout à fait paisibles, avec ces familles à gosses et cabots qui
déambulent à tour de rôle, un peu tout le temps, avec nous en contrebas.
On ne reste pas bien longtemps. On remonte. On entend la sirène
d'un ferry qui, lui aussi, est sur le départ. Le bleu d'ardoise du ciel
se fait plus opaque, plus sombre, on sort du parc. Que voulezvous, on
ne dit pas grand chose, on cause, nous, on cause juste, et puis on s'en va, après avoir
dévalé une pente en rigolant. On se serre l'un contre l'autre en
rejoignant la voiture. Dommage pour la harpe, dommage pour le violon,
tant pis pour nous.
Plus tard c'est à La Java, le
bistroquet rétro hétéroclite de la cité malouine que l'on se retrouve à
se réchauffer les mains et les poumons. Autour de tasses fumantes et de conversations bruyantes. C'est dimanche, c'est bien. Un
chocolat chaud pour monsieur, un thé pour madame. Des reprises de
Brassens à écouter distraitement tandis que la nuit s'abat pas loin
dehors, des discussions confortables dans les recoins, des mots dits
pas fort à l'autre. C'est dimanche, c'est bien comme ça. On a des
choses à faire en rentrant. On aura déjà un pied dans la semaine, va,
et il va vite se faire happer pour nous y plonger jusqu'au cou, pas
plus tard que demain matin. Mais la tête n'écoute pas les pieds, elle a
besoin de se croire encore en week end, la tête elle veut tourner et
pour un peu elle proposerait bien d'aller danser, ça doit bien se
trouver dans le coin, un fest-noz ou bien n'importe quoi d'un peu populaire et
humain. Ce ne serait pas raisonnable et la tête finit par reconnaître
qu'il va être l'heure. Les touristes eux mêmes semblent un peu plus
pressés, dehors. Et nous, on n'est pas des touristes.
Jusqu'à la voiture c'est la nuit. On quitte les lieux, sans
harpe ni violon, sans savoir. On quitte le dimanche littoral qu'on a
fréquenté du bout des lèvres, et c'est bien comme ça. A la maison, le
chat a faim, alors on lui donne à manger. On ne se voit déjà presque
plus.