le cyberpunk
Walter Jon Williams,
dont je parlerai dans un prochain post, est un auteur américain affilié
à ce qu'on a appelé il y a une dizaine d'années le mouvement cyberpunk, c'est-à-dire un genre littéraire proche de la science-fiction, relevant de l'anticipation (c'est-à-dire se projetant dans un futur proche pour saisir l'évolution probable de notre monde actuel).
Le cyberpunk, né au cours des années 1980, en tant que mouvement
littéraire est un peu passé de mode (ou peu s'en faut), mais en tant que réalité effective il ne fait que commencer.
Les auteurs qui ont constitué le socle de ce genre ont des styles, des
approches et des obsessions différents, mais dans l'ensemble la vision
du futur qu'ils évoquent a des points communs. On y voit notamment :
-
une dilution des nouvelles technologies dans la banalité de l'humain :
implants cybernétiques ou mémoriels, interface organique homme/machine,
extensions biologiques diverses, drogues high-tech, nanotechnologies à tout-va, le tout
avec les incidences sociales qui vont avec (tout le monde ne peut pas
s'offrir ce genre de gadgets) ;
- une mondialisation des réseaux
d'information avec comme interface une sous-réalité virtuelle, le cyberespace généralement appelé
la matrice, au sein de laquelle des activistes comme les hackers
déambulent et s'attaquent aux systèmes de défense des grandes
entreprises ou bien militaires ;
- la disparition de la notion
d'Etat au profit des multinationales. L'idée d'appartenance identitaire
à une entreprise plutôt qu'à un pays, par les liens professionnels et
le fait que ces multinationales aient des extensions dans tous les
domaines de l'activité humaine, leurs propres forces de police, leurs
propres législations primant sur les lois nationales, tout cela
induit, dans une société mondialisée, une nouvelle forme de féodalité, par le biais d'un clientélisme absolu,
système en dehors duquel il est très dur d'avoir une existence à part
entière. C'est dans cette marge que des libertaires développent des
réseaux et mènent des actions pour faire évoluer des systèmes sociaux
alternatifs. D'où le terme de "cyberpunks".
- L'étouffement de
l'individu au sein de ces structures mondialisées (donc anonymes) et de
ces affiliations professionnelles conduit aussi à des extrêmismes
individuels comme la généralisation du terrorisme, menace omniprésente,
provenant de partout pour des motifs innombrables, de façon à la fois
globalisée et sporadique.
Si tout cela vous dit vaguement quelque chose, c'est parce qu'on y est
déjà un peu, vous ne trouvez pas? C'est assez fou de voir comment le
monde, malheureusement, se met à ressembler à une sinistre fable de
science-fiction. Il se simplifie, pas forcément dans le bon sens, et il
est évident que le fait que des gens l'aient prévu avec plus ou moins
de sérieux n'empêche rien. Après ça, il y en aura toujours pour
considérer la science-fiction comme un genre mineur (parce qu'elle ne
se préoccupe pas que de littérature formelle). Le problème est le même
que dans d'autres domaines : les acteurs de ces mouvements de grande
ampleur ne sont du genre à lire ce genre d'ouvrages. Ils ont des choses
plus "sérieuses" à faire. Grand bien leur fasse. Et tant pis pour les
autres, qu'on rangera, avec un peu de bonne volonté, au registre des
"dommages collatéraux".
PS: au cinéma, des
films s'inspirent des thématiques ou de l'esthétique cyberpunk. Avant
Matrix (qui s'en rapproche surtout dans le premier opus du nom, le
reste dérivant dans le n'importe quoi), il y a eu notamment Johny
Mnemonic et le plus réussi Strange Days. En premier lieu, il y avait
eu, surtout, le magnifique Blade Runner.
PS2
: Pour ceux qui voudraient en savoir davantage, il y a par exemple la
possibilité de consulter l'article que consacre au mouvement cyberpunk
l'encyclopédie gratuite Wikipédia, et pourquoi pas cet intéressant papier intitulé "le cyberpunk, contre culture des anées 90?"