Le monde de demain quoi qu'il advienne nous appartient" ... encore que !
A l'instar de celui qui braillait cet hymne hip-hop et, sur le même album, "Quelle reconnaissance devrais-je avoir pour la France?",
à savoir ce blaireau qui jadis ne pouvait que fasciner et aujourd'hui
fait au mieux pitié, j'ai nommé Joey Starr, on est revenus à de plus sages dispositions, générationnellement parlant.
Oh, je ne dis pas qu'on ne prétend pas le contraire. Le poing levé
plus que jamais, parce que c'est le credo inconscient d'une bonne part
de la population, rebelle par consensus et par esprit poseur, on est
encore enclin à demander que des têtes tombent et que des choses soient
bouleversées si ça paraît faisaible, mais quand même. Dans une société
qui voit dans Sarkozy un homme providentiel ou une tête de turc bien
commmode, une société abreuvée de messages culturels de subversion qui
ne font que rallier à un consensus mou autour de l'idée poseuse d'un
anticonformisme qui n'en finit plus d'être digéré par le mainstream, comment s'étonner que la vraie subversion
émerge dans des zones absolument pas consensuelles, radicales par
besoin vital de démarcation? Sans déconner, depuis quelques années on
célèbre le retour du rock teigneux
(sous-entendu : le vrai), et qui on place sur un piédestal? Franz
ferdinand? The Hives? The Libertines? C'est du rock, ça? Les Kills, les
White Stripes, les Detroit Cobras, ok, mais des gens comme John
Spencer, Tom Waits ou PJ Harvey n'ont jamais cessé de faire vivre le
rock incandescent, trempé dans le blues le plus tellurien, merde alors.
Plus généralement, l'invasion des écrans médiatiques et donc de la société entière par le vocabulaire contestataire
et les "valeurs" propices à l'insoumission et à la reconnaissance de la
culture des marges est presque absolument réalisé. C'est, bien sûr, lié à
l'arrivée aux manettes créatives et financières de gens issus de
générations baignées dans ces idées. Et justement, ils en tirent quoi? Une attitude, essentiellement, une certaine forme de conformisme branché. Les artistes français qui émergent sont au mieux gentiment caustiques,
voire franchement cyniques, et ça marche à fond chez les trentenaires
dont je suis. Ne produira-t-on que des albums bien troussés où chacun
fait son petit malin? Ou bien des rebelles évoluant en vase clos, dans
la mouvance reggae-ragga-chanson française, teufeur techno, etc... ne
s'adressant qu'à des gens qui leur ressemblent, n'envahissant aucun espace rétif, prêchant des convertis, quoi?
Bien sûr, c'est plus compliqué que jamais. S'il était aussi simple de réagir et de proposer une alternative construite
au démantellement social qu'opèrent les séides de l'OMC et de la banque
Mondiale, ou de leur succursale "idéologique" le MEDEF, nous n'en
serions pas là. L'érosion se fait devant des peuples tétanisés,
"ignarisés" ou confortés dans l'illusion d'être de ceux qui n'en pensent pas moins.
Des peuples qui se sentent finalement sans autre choix que de montrer
leur mécontententement et leur appartenance à des idées "rebelles", par
principe et faute de mieux. Et on passe tous pour des blaireaux. Mais moins que Joey Starr, tout de même.