Bon, voilà j'étais un fan absolu de Philippe Katerine. Depuis le double et fantastique "L'homme à trois mains"/"Les créatures", je trouvais en ce mélange de poésie naïve de gamin désabusé et de fausse décontraction cynique beaucoup d'esprit et beaucoup d'âme. Un type qui déjoue les pièges du cadre chansonnier en fanfaronnant pour mieux toucher, en jouant avec les règles pour mieux se les approprier, un type comme ça, dans l'illusion de du détachement sans jamais se départir d'une honnêteté troublante, forcément on s'attache.

Derrière la drôlerie il y avait toujours un angle de vue insolite, matière à aller chercher du sens plus loin. Sur scène, notamment sur la dernière tournée, il y avait comme une mue en un animal sauvagement rock 'n roll (donc avant tout un gamin qui s'amuse) et en même temps le petit rigolo en fond de scène qui vous rappelle qu'il n'est jamais complètement dupe du ridicule de la situation. Mais quel pied ! Intelligence, instinct, et quoi qu'on dise nulle facilité, ni dans la provoc, ni dans le côté "je suis un original ne cherchez pas à comprendre". Un sens de la mise en danger et aussi de la justesse. Bref, pour moi un artiste précieux et j'ai du déjà le dire ici ou là sur ce blog les années passées.

Et voila-ty-pas que je découvre dans les news de dailymotion le clip de "la banane", titre annonciateur d'un album pour septembre. Bon. Comme j'étais bon client du bonhomme, on ne pourra pas m'accuser de jouer le mouton des cohortes de "c'est n'importe quoi ce type n'a aucun talent quand je pense qu'on donne des milliers d'euros pour ce truc alors que des tas de musiciens talentueux galèrent pour se faire connaitre quel abruti ça ne veut rien dire c'est même pas drôle". Non, non. Mais bon, je suis déçu.

Bon allez, elle est marrante ta chanson, petit gars (je me permets d'être familier avec les gens qui m'ont déçu). Je suis allé la revoir une deuxième fois, la jolie méloppée filmée sur une plage bretonne (un point pour toi), et y a pas à dire, y a que toi pour faire des trucs comme ça, desinhibé et percutant à la fois. Sauf que, même si moi aussi j'ai envie de dire parfois des trucs comme "non je n'irai plus jamais au supermarché, plutôt crever", te voir te saisir de ça et garnir l'argumentaire de gesticulations à poil sur la plage avec ta banane à la main, ben il manque un truc. L'autre pendant de tes chansons, à savoir le fond caché et grisant qu'on touche du doigt et qui prend à la gorge quand on l'aperçoit, caché sous la pantalonnade. Pour qu'il y ait équilibre, il faut que le grand n'importe quoi se drape de superbe mine de rien, parce qu'il ne dit pas qu'il a des choses à dire. Là, c'est du grand n'importe quoi jouissif, débonnaire et très sain, et même, j'ai fredonné aujourd'hui toute la journée le "non mais laissez moi... non mais laissez moi... manger ma banane", ce qui est toujours bon signe. Mais c'est tout. Et quand on nous a habitué à du pinard divin, faut pas nous refiler du pinard honnête. On n'en oublie pas pour autant que c'est pas de la picrate industrielle saturée aux sulfites, mais le goût du divin manque, forcément. Bien sûr, j'attendrai l'album avec impatience quand même. Et bien sûr, je risque de rigoler un paquet de fois en me surprenant à fredonner "manger ma banane tout nu sur la plage" à des moments insolites. Mais bon. Mais bon. Na.

peau de banane, M. Katerine

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