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la tanière du hérisson
11 mai 2011

Tous Fukushimen

 

Petit moment de tremblement émotif inopiné, il y a quelques jours, en écoutant une des émissions « Là-bas si j'y suis » de Daniel Mermet (15h chaque jour de semaine sur France Inter) consacrées au Japon dévasté. Le journaliste arrive dans un village pourtant fort éloigné de la centrale de Fukushima et dont le maire, pourtant, doit à ce moment précis annoncer à la population qu'elle va devoir quitter les lieux, sur ordre du gouvernement.

Et on ne peut pas s'empêcher de penser, en entendant le discours concerné, gêné aux entournures, humilié et impuissant du maire du village, les questions pragmatiques et répétitives des habitants qui aimeraient ne pas comprendre, que ce drame est absolu. Immonde.

En entendant que la zone contaminée et donc évacuée ou pouvant l'être à terme concerne un rayon de 30 à 40 kilomètres autour de la centrale (il en faudrait 80 selon des expertises et normes américaines...), on comprend que c'est l'équivalent d'un département entier qui est « pestiféré » pour une durée indéterminable, mais qui se compte en paquets de génération. Imaginons que ce département soit le votre. Que du jour au lendemain on le décrète non habitable, non cultivable, voire interdit et dangereux. Ce no man's land en devenir a beau avoir ses paysages, son air, son patrimoine culturel, son identité, il est avalé par le néant que draine la menace invisible, silencieuse et inodore de la radioactivité.

Dans ma voiture, bêtement rivé à ce petit village rural du Japon, à cette portion du monde et de son histoire en train de mourir quasi définitivement, je me suis projeté dans cette perte à mon échelle personnelle et, bien sûr, ça donne le vertige. Dire que ça fait réfléchir, que ça révolte, on s'en fout. Que la connexion humaine très crue que ce moment suscita ne dura guère, c'est tout sauf étonnant. Mais ce bref moment, insuffisant à enclencher une dynamique d'opposition aux états de fait qui nous sont imposés par vol de tout débat sur le nucléaire, il aura malgré tout contribué, avec d'autres choses, à renforcer la conscience de la valeur des choses qui sont les nôtres, de la facilité avec laquelle elles peuvent disparaître. Le regard que l'on porte sur elles n'en est que plus aigu.

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