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la tanière du hérisson
10 août 2009

Vol au-dessus d'un nid de coucou, de Ken Kesey

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Comme beaucoup, j'avais d'abord vu le film magnifique de Milos Forman, avec Jack Nicholson. Il y a longtemps. J'en gardais un souvenir assez flou mais très fort. J'étais curieux de voir si le bouquin dont il était issu était aussi intéressant ou, au moins, restituait l'intensité du film.
Ken Kesey publie ce premier roman en 1962, à l'âge de 27 ans. Le bouquin, traduit en france l'année suivante sous le titre "la machine à brouillard", ne retrouve d'ailleurs la littéralité de son titre original qu'après la sortie du film de Forman. Pour faire vite, le livre narre l'arrivée d'un personnage haut en couleur, McMurphy, dans un asile d'aliénés et de sa confrontation avec l'infirmière en chef, Miss Ratched. McMurphy n'est absolument pas fou mais espère quitter l'univers pénitentiaire où il croupit en simulant un profil psychopathique. L'homme, plein de vie, de gouaille et de force de caratère, entend faire sa place au mépris des règles strictes de l'établissement, emmène progressivement ses compagnons "aliénés" vers des expériences et un vécu moins aliénant, justement, avant que la confrontation ne le conduise au point de rupture.
Bien entendu, on aborde ici bien plus que ce simple parcours à la fois individuel et collectif (puisque McMurphy emmène une bonne partie des patients dans son sillage) : on y voit l'affrontement entre un système rigide fonctionnant en huis-clos et en toute impunité avec un élément étranger amenant de l'extérieur un regard sans compromis et perturbateur. Pour tous les patients qui vivent le quotidien de l'asile de l'intérieur, les choses sont immuables jusque là, même quand ils ont le sentiment d'une injustice ou d'un abus de pouvoir. Pour McMurphy, l'emprise systématique de Miss Ratched et, au-delà, de la société sur ceux qu'elle destitue de beaucoup de leurs droits sous des motifs parfois douteux, tout cela ne demande qu'à etre exposé pour ce que c'est, à savoir qu'un fonctionnement qui, loin de prendre en considération les malades pour les amener à sortir de leur mal, les conforte voire les enterre dans celui-ci. Ce que McMurphy comprend progressivement, c'est que tout est verrouillé, que le système fonctionne en roue libre, et s'il entend ruer dans les brancarts, au-dela de ses propres intérets de petit malin grande gueule, c'est avant tout parce qu'il est incapable d'admettre l'emprise étouffante de la société sur l'individu juste par principe. Il encourage de facto ses compagnons d'infortune à une forme de sédition, leur montre qu'il n'y a pas de fatalité absolue dans la soumission.
L'issue du livre est pessimiste quand à ce genre de comportement frontal vis à vis du rouleau compresseur du "Système", mais on aurait tort d'en rester là. Au-delà du cas de McMurphy, il y a celui du narrateur, l'indien Bromden qui se fait passer pour sourd muet et vit tout intérieurement depuis si longtemps san rien laisser paraître. Lui finit par comprendre, par agir, et par sortir de cet enfermement, dans tous les sens du terme. Lui fait l'acte fondateur de mettre fin à cette emprise.
Le roman est un peu daté au niveau du contexte socio-historique américain, mais le style, lui, reste très contemporain, très accessible et agréable. Il oscille au fil du parcours psychique de Bromden, entre lucidité et délire, sans jamais tracer de ligne définitive. Tout comme l'auteur n'omet jamais pour autant la réalité de ce qui amène les autres patients dans ce lieu. Mais il met en lumière que leurs problématiques compliquées n'autorisent pas pour autant une abdication totale, un renoncement aux choix fondamentaux et au respect de l'individu comme capable de faire ces choix et de s'extraire de sa propre spirale infernale.

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