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la tanière du hérisson
10 décembre 2006

Tool - Zénith de Nantes, 8 décembre 2006

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    Je ne pensais pas avoir l'opportunité d'assister à un concert de Tool un jour. Et pourtant.
    Ayant aperçu du coin de l'oeil une affiche en passant devant en voiture à Rennes, j'ai filé me renseigner au Virgin et je ressortais, 10 mn plus tard avec ma place pour les voir au Zénith de Nantes la semaine suivante. Un brin déboussolé par cette perspective inattendue. Parce que, et la suite me donna raison, je devinais à quel point tout ça allait être singulier, unique.
    Je ne vais pas présenter ce groupe comme il le faudrait, c'est à dire en détail. La richesse et la densité de leur musique, pour ne pas dire leur démarche, impose qu'on y consacre du temps et de l'attention. Une autre fois : par exemple pour évoquer leur dernier album, 10 000 days, que je n'ai pas chroniqué ici quand il est sorti. Disons que vous trouverez leurs disques au rayon metal, alors que, quelque part, c'est tout sauf ça. Ici, tout est recherche, complexité, intelligence autant que crudité, viscéral, primaire.
L'alliance instable et élégante de la brutalité la moins anodine avec la subtilité la moins superficielle. Tool explore les domaines les plus déséquilibrés de l'âme humaine, titille sans complaisance ni facilité là où ça fait mal, là où on n'a pas envie d'aller. Avec l'efficacité que donne la justesse de ton. Un groupe qui se fait rare (4 albums en 15 ans) mais qui, quand il revient, offre à chaque fois une oeuvre inédite, foisonnante, à plusieurs niveaux de lecture. Pour un ensemble cohérent, soudé, qui frappe dur et sans concession.

    Arrivé sur place, j'ai d'abord découvert la salle, un Zénith plutôt bien conçu de prime abord, dans son espace ample mais pas inhumain, mais qui me décevra largement au niveau son. C'est la première fois de ma longue vie de concerts que je sens concrètement mon appareil auditif vibrer, et pas seulement les basses me traverser l'abdomen. Pour autant, la balance ne mettra pas en relief les voix de façon correcte, mais peut-être étais-je trop mal placé. Dommage, quand on connait la voix de Maynard...

    De la première partie, le groupe Mastondon, je ne retiendrai que le décalage avec la suite. Un groupe ambitieux, sans doute de bonne facture, mais indéniablement metal. Et là, ça ne me parle pas trop. D'accord, ils n'avaient pas de cheveux longs à secouer dans tous les sens. N'empêche. Leur musique recelait encore trop d'imparables metal, à savoir autant pour la batterie que pour la guitare, des démonstrations de virtuosité sans âme, dont on ne retient rien si ce n'est que c'est impressionnant. Je n'attends pas de la musique et des musiciens qu'ils m'impressionnent. Bref beaucoup d'attitude, de performance au sens sportif, de clichés sans émotion qui rendent le tout fort dispensable, de mon point de vue. La suite allait être d'un tout autre acabit.

    Avant l'entrée du groupe, la tension monte. Outre les traditionnels réglages par les roadies d'instruments, de son, de serviette éponge et autres choses primordiales, on voit des gens placer de petits miroirs carrés sur le bord de la scène, d'autres retirent un tapis laissant apparaître un sol blanc immaculé et, les pieds recouverts de chaussons en papier, balayer consciencieusement ladite surface. Un type examine la batterie en combinaison blanche, presque invisible derrière le matériel. Ladite batterie ressemble à une soucoupe volante, entourée de 1001 accessoires percussifs dont on espère qu'ils serviront (hormis le gong, je crois que ce sera le cas). On sent que certaines choses vont nous échapper et, qu'en tout cas, comme on pouvait s'y attendre, on ne va pas donner dans la facilité.

    Quand le groupe prend place, c'est en revanche tout simple. Le bassiste empoigne sa basse, le batteur s'assoit dans sa soucoupe et met le moteur en marche, le guitariste connecte son esprit à la guitare par les mains. Et Stinkfist commence. Imparable, poignant, idéal pour commencer. Maynard est là, et à l'image de son groupe, contrarie les préjugés et les postures d'un concert conformiste. Torse nu, le visage invisible derrière un masque à gaz dans lequel est fiché son micro, il reste en retrait, évolue en fond de scène, sans s'approcher du public. Sa voix est là, elle vibre mais on ne sait pas d'où elle sort, on ne voit pas l'expression de son visage, il ne donne pas dans la communion factice avec un public conquis d'avance. Ses bras, équipés de capteurs, guideront parfois les gestes des animations en 3D sur les écrans géants placés derrière les musiciens et où défileront, pendant tout le concert, les images (bouts de clips, fractales, images de synthèse) dérangeantes et sombres qui mettent en lumière la musique de Tool.

    D'une manière générale, le concert prit la forme d'une performance artistique plus que d'une simple succession de morceaux. Adam Jones, le guitariste, tissait des sons tordus et puissants, travaillant autant la tessiture sonore que la mélodie, s'octroyant le luxe de mimer un solo de guitare par un effet vocal saisissant, et, tout le long du concert, ne sortira jamais de sa musique, sans contact avec le public autre que ce qu'il avait à donner. Et la musique bastonne. Vous prend aux tripes, à la fois primaire et sensible, pleine de circonvolutions rythmiques et mélodiques qui tissent et développent une mise en abime musicale et vertigineuse de l'âme humaine.

    Des choses nous échappent. Le groupe s'arrête à un moment, puis vient se réunir, assis au milieu de la scène, tandis que Maynard leur explique je ne sais quel dispositif à l'aide d'un plan plastifié. A un moment, les miroirs montrent leur utilité, quand des lasers viennent les frapper et se réverbèrent dessus pour aller à nouveau frapper d'autres miroirs placés aux 4 coins de la salle, au plafond, en balcon, tissant par ricochet un filet de lumière. Les morceaux se succèdent, tantôt outrageusement violents, tantôt plus posés, et au bout d'une heure trois quarts, le groupe quitte la scène. Sans rappel, comme à son habitude, semble-t-il.

    On en ressort sonné. Comme extrait d'une bulle inconfortable mais cohérente. Une expérience dérangeante et pleine, qui nous a nimbés dans des lueurs oscillantes, les eaux saumâtres d'une musique, de paroles et d'images aux antipodes des facilités habituelles de la musique moderne, tous styles confondus. Certains, dehors, n'en reviennent encore pas. D'autres se plaignent déjà (pas de rappel, pas assez de contact avec le public). Les seules paroles adressées au public par Maynard au bout de forty-six & 2, le second morceau, étaient pourtant éloquentes : " J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle. La mauvaise nouvelle c'est que nous ne parlons pas français. La bonne nouvelle c'est que notre musique parle pour nous."

PS : les zolies photos sont celles du concert au Zénith de Paris, deux jours après celui de Nantes. Elles sont l'oeuvre du photographe Robert Gil, et sont visibles avec d'autres zolies photos, sur son site...

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