Pas de sang impur dans nos sillons
J'ai lu, il n'y a pas
longtemps, une sorte de pamphlet, de manifeste, bref de râlerie, à
propos de l'apprentissage désormais obligatoire de La Marseillaise à
l'école. Le document en
question émanait de mouvements bretons visiblement autant pourfendeurs
de crimes jacobins que défenseurs de l'identité régionale. Bien sûr, le
texte a reçu les félicitations des enseignants gauchos comme des
régionalistes de tout crin, des gens qui ne ratent jamais une occasion
de se rendre ridicule.
Et ça ne rate jamais, vous
pouvez compter dessus. On monte au créneau avec virulence, légitimement
indigné qu'on apprenne à nos gamins à remplir nos sillons d'un "sang
impur" et autres prétendues haines de l'étranger et de la différence.
On y voit le retour de l'ordre moral, de l'enseignement vieille école,
rétrograde, etc... Certains, pourtant, feraient parfois bien de la
fermer. Rien qu'une fois de temps en temps. Pour laisser parler les
autres, même plus circonspects, par exemple. L'éducation civique
est-elle une aberration? Non. L'apprentissage des codes qui régissent
la République ? Pas plus. C'est ce qui fonde un socle commun, une
identité nationale. Des valeurs de respect et de tolérance, mais aussi
des codes culturels communs. Soit on rejette tout ça (et pourquoi pas,
on en revient à l'éducation comme dressage, vaste débat...), soit on se
concentre sur l'essentiel.
L'apprentissage des
paroles de La Marseillaise interroge nécessairement les fondements de
notre société. Un contexte historique particulier, des mentalités à
explorer, à questionner, aps de consensus spontané sans débat d'abord.
Personnellement, je pense qu'on peut légitimement reprocher d'imposer
cet enseignement dès le cycle 3 (CE2-CM1-CM2), c'est sans doute un peu
tôt pour la plupart des élèves, et donc qu'il y a bien là une volonté
un peu douteuse d'instaurer au forceps quelque chose qui serait
"menacé". D'accord. Au delà, si on le prend comme un patrimoine
collectif à faire vivre (donc à critiquer), pas juste un hymne à la con
pour stades de foot, ça aide à mettre les choses en place dans la tête
des petits français. Qu'on aurait tort de sousestimer dans leurs
facultés d'analyse et de recul. Ou alors certains enseignants pourtant
progressistes se sentent peut-être incapables d'instruire dans la
nuance et l'esprit critique...
Ce que je veux dire,
surtout, c'est que les gens qui crient au meurtre de l'école, à la
lepénisation de l'enseignement, ne sont pas crédibles et emmerdent le
monde. Les indépendantistes bretons, franchement, se trompent de débat,
le front du combat culturel est ailleurs, ils ne servent personne à
parler d'oppression centralisatrice dans ces cas là. Sur un forum, une
femme franco-turque prétend que c'est scandaleux de réintroduire La
Marseillaise mais que l'hymne turc, guerrier lui aussi, peut se
justifier par le contexte de ce pays. Ben voyons. D'autres parlent de
fascisme, de nazisme, de pétainisme, sans rien comprendre. Ceux là,
visiblement, aurient mieux fait de retourner un peu à l'école pour y
entendre des choses imporantes, objectives, sur notre passé. C'est en
sachant de quoi on parle qu'on peut argumenter, faute de quoi on est
juste une grande gueule. Apprendre à se taire, c'est essentiel, vous ne
trouvez pas?