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la tanière du hérisson
16 janvier 2013

Aux Maliens mes pensées

photo_afp

Alors bon, je ne pensais pas refaire tout de suite un article sur la situation malienne. Sans doute pas envie d'appuyer là où ça fait mal, garder un peu de distance. Mais là, ça y est : l'intervention française dans un conflit devenu inévitable fait exploser la bulle de tension qui grossissait sur place depuis le début de l'instabilité politique qui ébranle une démocratie fragile, récente et embryonnaire.

Je ne peux m'empêcher de penser à tous ces Maliens confrontés à une situation hautement dangereuse, incertaine. Qu'ils habitent dans les zones de combat ou pas, quelle que soit l'ethnie à laquelle ils appartiennent dans ce riche et complexe enchevètrement de cultures et d'identités qu'est ce beau et énorme pays. Je pense à la fragilité du calme social dans un pays que j'avais un peu arpenté en 1997, alors que des troubles éclataient à l'occasion d'élections qui réveillaient le débat encore vif autour de l'hésitation entre l'héritage de la dictature de Moussa Traoré et la nouvelle démocratie installée depuis une demi douzaine d'années seulement. Je repense à une société alors malgré tout impressionnante de solidité, imprégnée d'un islam tolérant. Je pense à quel point le Mali a changé depuis une dizaine d'années.

Je pense aux amis de Mopti, de Sévaré, depuis un an en plein coeur des troubles, à ceux de Ségou, depuis rattrapés par l'extension du conflit. Je pense aux beautés de Bandiagara, de Djenné, à la saisissante ambiance électrique de Bamako, tous ces endroits en suspens et menacés. Je pense aux touaregs qui vont avoir du mal à se remettre de tout cela à tous les niveaux, après avoir mis le feu aux poudres, et qui risquent de payer beaucoup de pots cassés au terme de tout ça. Je pense au MNLA, qui a déclaré le 14 janvier être prêt à aider les forces françaises en assurant la lutte au sol contre les forces armées des groupes islamistes ; bien sûr, il y a la volonté d'établir leur légitimité à le faire plutot que les forces armées maliennes sur un territoire qu'ils estiment le leur, l'Azawad ; il y a aussi la volonté de se démarquer des islamistes pour ne pas se voir mis dans le même sac, probablement en vain (sans vouloir être pessimiste). Je pense aux témoignages parlant de viols de guerre imputés à diverses factions, dont le MNLA, aux exactions déjà reprochées à l'armée malienne, au fait qu'une situation de guerre est nécessairement génératrice de faits compliqués à dénouer et sales. Je pense au risque (déjà à fleur de peau) de violences intercommunautaires dans une société malienne qui avait jusqu'à présent, bien que traversée des mêmes intolérances qu'ailleurs, une vraie richesse cosmopolite qui trouvait d'intenses expressions sur le plan artistique, mais pas seulement.

Je pense qu'à cette période là de l'année, je pensais au Mali parce que s'y tenait le festival au désert, organisé depuis une dizaine d'années à Essakane, en plein milieu de la zone sahélienne, un festival porteur de l'identité culturelle touareg dans un continent qui trop souvent ne voulait que trop peu en entendre parler, un festival où de grands artistes issus d'autres ethnies (comme Oumou Sangaré) avaient cotoyé des artistes tamasheq, oeuvrant pour une reconnaissance mutuelle des cultures vivantes de ce pays. Et je me morfondais de ne jamais pouvoir aller vivre ça sur place. Aujourd'hui, je pense à Essakane en d'autres termes, je pense à la très difficile et volatile situation que vont devoir subir tous les Maliens, en espérant que le pays s'en relève, sans guerre civile, sans bouc émissaire à désosser, sans radicalisation des clivages. J'ai un peu peur, pour tout dire.

Pour se tenir informé de la situation là bas, du moins du point de vue des populations tamasheq, forcément un peu artisan mais empruntant à diverses sources d'information, il y a le site www.tamoudre.org

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