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la tanière du hérisson
23 septembre 2008

Festimanif, Nantes le 20 septembre : affligeant, enthousiasmant ?

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Comme je l'avais expliqué un peu plus tôt, j'avais choisi de répondre présent à l'appel d'une quinzaine d'organisations bretonnes pour manifester contre un projet de loi idiot et dramatique visant à régenter la pratique culturelle amateur, et pour montrer la vivacité festive de la culture régionale par un concert/fest-noz gratuit et ouvert à tous. Le moins que l'on puisse dire, c'est que mon avis sur l'évènement est pour le moins mitigé.
Quand j'ai rejoint le site central, sur l'île de la Gloriette de Nantes, j'ai vu commencer à s'agglomérer des gens pour le moins hétéroclites (mais jusque là pas de souci, la société est faite de choses dépareillées et c'est très bien comme ça), parfois hauts en couleurs, arborant bien haut les couleurs et les attributs parfois caricaturaux de la Bretagne ou de la "culture celte". Dans l'ensemble c'était une foule bigarrée et tranquillement très digne, aussi diverse que celle que l'on rencontre dans les festou-noz en termes de générations, de classes sociales ou d'horizons divers. 1001 façons d'être breton, sans la ramener le plus souvent. Le contexte de la manifestation se prêtant à la revendication de sa culture, les t-shirts à message et autres ornements identitaires étaient en nombre, comme on peut s'y attendre. Là où je commençais à tiquer, c'est en voyant le nombre croissant de pancartes ou de messages appelant à la réunification de la Bretagne. Il y avait aussi une jeune-anar-mobile diffusant en boucle et à fond le morceau des Ramoneurs de Menhirs mêlant Bella Ciao et l'hymne de l'ARB sur fond de punk-noz. Bref, les braillards simplistes semblaient décidés à prendre de la place.

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Mais bon, on était à Nantes, dans cette Loire-Atlantique artificiellement rattachée aux Pays de la Loire en 1941 par Pétain et en malaise identitaire depuis.
C'est quand la manifestation proprement dite s'est mise en branle que c'est devenu vraiment n'importe quoi. Il y avait beaucoup de gens, ça faisait plaisir. Plus tard, on dira 5 000, ou 10 000. Venus des 4 (5?) coins de la Bretagne, avec des accordéons, des cornemuses, des bombardes, et des bagadou entiers venus offrir leur répertoire à la rue pour afficher la vivacité de la musique et de la pratique amateur.
Et ça aurait pu être très bien, convivial et digne. Mais on n'a très vite entendu que des cris réclamant le rattachement de la Loire-Atlantique à la région Bretagne. De la défense de la pratique amateur, pas un mot, presque aucune pancarte, pas un slogan. Mais des jeunes cons aboyant des slogans idiots et agressifs, ça oui. Bref florilège : "face à la propagande des Pays de la Loire, agissons et sabotons", "pays de la Loire, pays bidon, Loire-Atlantique, pays breton", "Pays de la Loire, va te faire voir" et autres joyeusetés simplificatrices et méprisantes envers les régions avoisinantes. On rejoignait là la frange la plus infecte du repli identitaire, avec des relents non-dits (mais assez explicites formulés comme ça) de supériorité de la culture bretonne sur les autres. On sentait pleinement des gens pas suffisamment sereins dans leur identité pour juste la montrer avec générosité et fierté, mais la proclamant avec hargne et rejet du reste. D'où certaines scènes lamentables avec des gens criant au défilé, depuis leur balcon : "mais on n'est pas bretons !", "fachistes à biniou!" et autres crachats verbaux qui ne faisaient qu'attiser une confrontation stérile. D'où, aussi, un certain malaise de beaucoup de manifestants, j'imagine, qui étaient venus, comme moi, pour parler d'autre chose. Certains en riaient gentiment, inventant des slogans comme "La Brière aux Vendéens", ou "Limousin indépendant".

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Mais personne n'a réagi. L'organisation n'a pas freiné cette récupération. Il y a là une vraie responsabilité dans ce qu'allait en retenir la population nantaise et les médias suivant le défilé. Comme j'allais le comprendre par la suite, le débat sur la réunification avait bel et bien sa place dans l'évènement; mais, en revanche, que le thème principal de la manifestation soit complètement absent des affiches et des slogans montrés à la population, c'est absolument lamentable. Pour ma part, quelle que soit mon opinion sur la réunification, je n'étais pas venu pour ça, mais pour un sujet à la fois universel et beaucoup plus concret en termes de conservation et vitalité de l'identité culturelle bretonne. J'ai trouvé cette déviance insupportable et j'ai quitté le défilé, pour me promener (et me calmer) dans les rues de Nantes la jolie.
Vers 16h30, j'ai rejoint le site central avec les manifestants, pour y entendre les discours des organisateurs et la musique. Là, je dois dire que mon avis, avec l'information plus complète que j'y ai reçue, a été un peu tempéré. En effet, j'ai trouvé les discours des organisateurs, qui sont pour la plupart des acteurs importants de la vie culturelle locale, à petite ou grande échelle, particulièrement intelligents, intelligibles et clairs.
J'y ai appris notamment que le projet de Mme Albanel visant à encadrer dans un carcan légal les pratiques amateurs était visiblement abandonné (semble-t-il définitivement, mais soyons vigilants, ce genre de choses resurgit sous d'autres oripeaux de façon récurrente). Ce qui justifiait que d'autres thématiques soient davantage mises en lumière, que d'autres revendications soient affichées avec plus de force.
Pour défendre la culture bretonne, le transfert de compétences de l'Etat vers les régions est d'autant plus cohérent que les présidents de région n'auraient jamais été assez déconnectés de la réalité de leurs administrés pour pondre un projet comme celui sur les pratiques amateurs (alors que l'Etat, lui, l'a fait). Une attitude cohérente des tenants officiels des régions concernées par la culture bretonne peut effectivement passer par un travail commun que consacrerait le rattachement de la Loire Atlantique à la région Bretagne, ce que semblent appeler de leurs voeux les présidents de région et de département concernés, MM. Le Drian et Mareschal.
Mais il demeure un décalage, je n'en démords pas, entre ce qui était prévu et ce qui s'est déroulé. Sur le site internet présentant officiellement la Festimanif, il n'était pas question, sinon de façon très logiquement marginale, d'autres enjeux que celui de la sauvegarde de la pratique amateur. Et même si tous les artistes qui ont suivi ont pu parler d'une même voix en conformité avec l'ensemble de la manifestation et évoquer autant la réunification que le projet de loi abandonné et l'importance des passerelles entre amateurs et professionnels, l'importance du rôle des évènements amateurs dans la survie de la pratique culturelle locale, qu'en retiendra-t-on, de cette festimanif? Ceux qui y ont assisté sont de deux ordres : ceux déjà convaincus et informés, qui ne changeront pas d'avis. Et les autres. Qui seront sans doute, je le crains, peu convaincus par les manifestations verbalement agressives et bêtement caricaturales qui se donnaient en spectacle en toute impunité sans qu'aucun versant plus réfléchi et nécessairement nuancé donne de la voix.

Que garderont en tête ces gens, ceux qu'il faudra éventuellement convaincre au moment d'un référendum sur l'appartenance éventuelle de la Loire-Atlantique à la Bretagne ? Je parlais il y a peu des attitudes jacobines d'un autre âge qui motivaient le mépris envers une culture bretonne ouverte et n'ayant pas peur de s'offrir au monde. J'ai vu samedi dernier des crachats identitaires des plus malsains, de la bêtise comme seule une foule débridée peut en manifester. Les gens retiendront peut-être, c'est à craindre, cette conception d'un autre âge de la Bretagne. Comment obtenir une autonomie légitime comme d'autres régions d'Europe ont su la développer (régions espagnoles, allemandes, Ecosse...) en ne présentant qu'un visage aussi fermé? C'est dommage.
Pour le reste, les performances des artistes étaient globalement très bonnes. Avec, quand il y en avait, des discours politisés sans excès mais fondés, et surtout ce que j'attendais de l'ensemble de la manifestation, à savoir la démonstration d'une vivacité culturelle et musicale qui parle bien mieux que des slogans. De chanson ou musique à danser très "trad " à des formes plus émancipées et moins conservatoires, la fête était là, et la belle unité d'une identité culturelle évidente.
Après une prestation sympathique et enlevée du bagad de Nantes,on a ainsi vu défiler les Tri Yann, l'excellent (mais trop court) duo André Le Meut-Samuel Le Hénanff, Gweltaz Adeux, Nolwenn Korbell et Didier Dreo, un trio de kan ha diskan d'enfants assez formidable (les kanfarted je ne sais plus quoi (désolé)), Gilles Servat, le non moins excellent Pascal Lamour, les non moins formidables Baragouineurs, ainsi qu'un  duo guiatare-violon et un groupe de chanteuses, deux formations vraiment pas mal mais dont je n'ai pas retenu le nom (re désolé).

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Tout cela nous a emmené jusqu'aux alentours de 23h, soit assez franchement tôt pour un fest-noz, assez franchement tard pour une manifestation. En rentrant, les impressions étaient contradictoires. L'ensemble de l'évènement avait une certaine cohérence et une vraie légitimité, mais qui aura-t-il convaincu en dehors des gens déjà interpellés par ces enjeux, voire déjà convaincus? Je ne sais pas. Le lendemain, l'article du Télégramme (voir aussi ici), contre toute attente, donnait une vision de tout ça assez différente de la mienne, et plus conforme à ce que j'aurais espéré de prime abord. Tant mieux, quelque part. Pour le reste, je préfère en rester à l'esprit dans lequel j'en suis sorti, après avoir dansé un petit laridé de derrière les fagots.

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Commentaires
C
pour info, la manif a ete organisée une annee en amont pour "feter" les trente ans de la charte culturelle de bretagne. donc les structures CCB, iCB et bretagne reunie ont lance et organise le mouvement il y a un an. <br /> le projet de loi albanel a ete devoile il y a peu et ce souci est venu se greffer sur le mouvement et l'organisation de la manif lancee depuis tres longtemps.<br /> par rapport a la reunification, bretagne reunie etait co-organisatrice de la manif donc logique qu'il y ait eu des slogans en faveur de la reunification.
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